Catégorie : JARDIN D’HIER

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J’aime les rosiers anciens parce qu’ils sont beaux et qu’ils sentent bon.

Qu’ils soient remontants ou non remontants, je frémis au printemps en guettant leurs premiers boutons, acné juvénile qui me fait sourire d’aise, boutons qui gonflent jusqu’à se fendre de couleur et explosent tous mes sens !

J’en ai une soixantaine différents : Salet, Cuisse de Nymphe et sans doute Cuisse de Nymphe Emue, Rosa centifolia, rosa Rugosa, Rose de Rescht, Ghislaine de Féligonde, Madame Alfred Carrière, Louise Odier, Zéphirine Drouhin, Rosier de l’Hay, Madame Isaac Pereire (vrai nom de l’Histoire : Saint Jean-Baptiste de la Salle), New Dawn (moins ancien …), Souvenir de la Malmaison, … J’en ai acheté certains, que je connais, je passe beaucoup de temps dans mon Encyclopédie des roses anciennes, je note, je me rappelle où et quand je les ai implantés.

Pour d’autres, je ne sais pas qui ils sont. C’est très difficile de s’y connaître suffisamment pour être en capacité de les identifier avec certitude. Je glane dans les jardins de grand-mère, les jardins oubliés, les maisons qui ne sont pas de famille. Et je bouture. Ma mère dit que j’ai les pouces verts comme mes aïeux : aaaah, si seulement c’était héréditaire ! Ceci dit, les boutures, c’est relativement facile, pour peu qu’on ait compris la plante. Pas de risque de gourmands puisque le nouveau rosier est scrupuleusement fidèle à l’original. Il s’adapte de lui-même au terrain puisqu’il y est né lui-même. Enfin, jusqu’à présent, les seuls rosiers qui sont morts chez nous, dans notre bout de terre caillouteuse, calcaire et sèche, ce sont les rosiers modernes. Et n’allez pas dire que j’y ai mis du mien, que nenni ! J’ai constaté, c’est tout !

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J’aime le jardin. Sans doute plus les fleurs que le potager. Je n’ai jamais connu la Fête-Dieu, ses grands reposoirs et ses bouquets odoriférants mais j’adore que ma Nature soit un immense reposoir, une Fête-Dieu perpétuelle, un petit  jardin de curé.

J’ai dans la tête les légendes dorées du moinillon qui resta à écouter les chants des oiseaux et qui, sortant de son extase, retrouva, chenu, le chemin du couvent où on l’avait oublié depuis tant d’années… Comme Saint François d’Assise qui vibrait avec la Nature.

J’ai la mémoire de Mademoiselle Marie, la nièce de Monseigneur Louis Parisot, à Brognon, notre arrière-grand-mère adoptive, et son joli jardin de fleurs. Je me souviens de sa cousine, la Ninette, à Saint-Julien, « un petit pot de tabac », comme disent certains, sourde comme un pot, fille de grande vertu qui pêchait beaucoup… de poissons dans la Norges ! Elle avait de la moustache qui piquait MAIS comme il sentait bon, son jardin de roses anciennes, plein de couleurs, d’odeurs qui me restent encore aujourd’hui dans ma mémoire olfactive !

Petite, j’effeuillais les roses de ma grand-mère, j’en remplissais de petits flacons pharmaceutiques en métal que je complétais d’eau, c’était mon eau de rose ! vite croupie, hélas … alors je recommençais !

Parce que ma grand-mère aussi adorait les fleurs ! Elle avait bien quelques géraniums alsaciens (prononcer » chéranioms ») mais surtout des rosiers anciens, des Souvenirs de Lourdes, des agapanthes, des lys de la Madone (« tu fais les tremper dans l’huile d’amande douce et tu t’en sers pour les coupures »), des lys d’un jour, des achillées, des oeillets, des primevères, des perce-neige, des myosotis (« Vergissmeinnicht ! », disait-elle en rappelant le poème de Goethe), le lilas, du muguet (Maiglöckchen, j’apprenais l’allemand sans le savoir), des pivoines officinales, des iris, des buis très bas, des narcisses, des jonquilles, des crocus, des fleurs de cerisiers, des appétits (en français on appelle ça de la ciboulette…), du cerfeuil, les plantes aromatiques et médicinales, le bonheur de mes premières années !

Alors innove-t-on jamais ? Je ne suis pas sûre. Peut-être ne reproduit-on que ce qu’on a connu. Peut-être essaie-t-on seulement de recréer le Paradis perdu. Je veux qu’il soit beau. Je veux surtout qu’il soit aussi plein de senteurs. Qu’on s’en mette plein les mirettes et la narines ! Si on est malvoyant, au moins sentir que c’est beau !

Au fond, je n’aime pas l’apparat. J’aime me faire surprendre. Dénicher dans un jardin le chèvrefeuille tapi, le jasmin qui va bien, la rhubarbe acide, la mélisse, la menthe, la sauge sclarée (la toute bonne, dit-on, pour moi, juste une sueur aigrelette ..), l’armoise, le sureau hièble (beurk !), tout ça, quoi !

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